Divercité culturelle

L oeuvre la plus légendaire et mystérieuse de Venise; et si ce n

Le Lion de saint Marc
- Samuel Costantini -

Et si ce n'était pas un lion ? Cette question, les vénitiens se la posèrent subitement alors que, par une délibération du Grand Conseil (Maggior Consiglio) en 1293, il fut décidé que devait être restaurée la statue en bronze qui, encore aujourd'hui, domine la Piazza San Marco depuis l'une des deux colonnes de granit (l'autre est la colonne de saint Théodore). Nous parlons de l'oeuvre la plus mystérieuse et la plus légendaire de Venise. D'autant plus qu'elle fait référence au symbole même de la cité. Le lion placé sur la colonne est une énigme non éclaircie même par les plus récentes études qui n'ont pas su déterminer la date de sa fabrication ni sa provenance.

Nous avons seulement des hypothèses, même si elles sont bien argumentées. Evoquons d'emblée la plus accréditée : le lion est un hybride de lion et de griffon, réalisé lors de la première période hellénistique orientale, par un artiste grec ou greco-ionien, entre la fin du 4ème et le début du 3ème siècle avant JC.

Il s'agirait d'un monument dédié à Sandon, divinité païenne protectrice de la cité de Tarsus en Cilicie qui, de nos jours, est une région de la Turquie. Selon les études archéologiques, il y avait là-bas, vers le 3ème siècle, un monument dans lequel la divinité apparaissait sur un grand lion ailé et cornu, d'aspect comparable à celui du lion de saint Marc. Tarsus fut siège épiscopal au moins jusqu'à la fin du 4ème siècle et il est plausible que cette statue ait été abattue parce que païenne, et réduite à une simple représentation léonine (un griffon avec une tête de lion). Les marchands vénitiens, prompts à rapporter dans leur patrie de beaux objets trouvés dans d'autres pays, fréquentaient de manière assidue, jusqu'au 11ème siècle, le golfe d'Alessandrette ; et, au 13ème siècle, ils avaient établi un bailli (bailo), des magasins (fondaco) et une église dédiée à saint Marc à Ayas (près de l'antique Issus), connue par les vénitiens sous le nom de Laiazzo ou Giazza. La cité, du reste, était située le long des chemins de la route de la soie et c'est de là que partaient les Marco Polo pour leurs voyages vers l'orient. Il est donc probable que, au cours du 12ème siècle, les vénitiens entrèrent en possession d'une statue (qui avait déjà perdu son caractéristiques rattachées à Sandon) dans une cité côtière du proche orient. Mais cet étrange lion avait d'autres attributs. La morphologie du faciès, plus humaine qu'animale, et la présence des ailes, feraient remonter les études vers une statue d'extrême orient, ou bien vers un monument babylonien.

Mais arrivons à aujourd'hui. Ou mieux, en 1797, le 12 mai, lorsque chuta la république aristocratique de Venise. Avec l'arrivée de la démocratie, furent détruits, dans une furie iconoclaste de la Municipalité Provisoire (Municipalità Provvisoria), d'innombrables lions de saint Marc, symboles de la Sérénissime. Les Français emportèrent le bronze à Paris (en même temps que le quadrige de la Basilique) où il resta jusqu'en 1815, avant de revenir ensuite à Venise. En deux mille ans d'histoire, le lion reçut au moins cinq restaurations et modifications et ceci fut la cause de la difficulté à en attribuer l'origine. Assez étrangement, il n'y a pas de trace écrite du lion ailé avant 1293.

Les historiens, du reste, sont d'accord pour retenir que l'origine du culte à saint Marc remonte à la fin du 8ème siècle.

A Venise, Marc prit la place du saint-guerrier gréco-byzantin Théodore, lui aussi sur la colonne du Môle de la Piazza. Egalement pour conforter les légendes de la prédication de l'évangéliste dans les îles du Rialto et pour sa dimension anti-levantine, vu qu'il avait été enseveli à Alexandrie d'Egypte et que ses restes avaient été rapportés à Venise par deux marchands qui avaient mystifié les musulmans en usant d'un expédient.

Et avec Marc arriva aussi le Lion rugissant, symbole du courage et de la force de la cité, qui l'adopta comme représentation d'un animal d'eau et de terre, pour souligner sa puissance sur les mers et sur la terre ferme ; avec le livre ouvert, annonciateur de paix (Pax tibi Marce Evangelista meus), ou fermé, brandissant de sa patte l'épée dégainée, en temps de guerre.


Article ajouté le 2010-04-13 , consulté 2 fois


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